Les chœurs d’opéras français XVIIIe et XIXe siècles : le rapport au sacré

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Les chœurs d’opéras français XVIIIe et XIXe siècles : le rapport au sacré

Prologue :

L’Orfeo de Monteverdi,
comme initiateur de tous les opéras futurs :
introduction du mythe d’Orphée dans le premier opéra de l’Histoire.

Le XVIIIe siècle : les mythes antiques

Castor et Pollux de Rameau
Orphée et Eurydice de Gluck

« La musique de Gluck n’est pas concevable sans celle de Rameau… On trouve chez Gluck tant de ressemblances de détails qu’on peut affirmer à bon droit que celui-ci n’a acquis sa place dans le théâtre français qu’en s’appropriant les plus belles créations de Rameau. »

C’est Debussy qui parle en 1900. Les deux œuvres, effectivement, ont plus d’un point commun. Dans leur genèse, d’abord : les deux œuvres ont été remaniées par leur compositeur, et ces reprises ont été des triomphes, surpassant toutes leurs autres œuvres. En 1754, Rameau reprend son opéra de 1737 pour en faire l’exemple type de la tragédie lyrique française. En 1774, Gluck, alors à Paris, profite de son succès pour remonter son opéra viennois de 1762. Il  s’adapte au goût des parisiens, fait traduire et développe l’œuvre, notamment en ajoutant des danses, et modifie le rôle principal.
Dans le choix du sujet, ensuite : il s’agit d’un demi-dieu qui défie les dieux infernaux pour faire renaître son frère ou sa bien aimée. Les deux opéras commencent par une déploration (les héros sont déjà morts, contrairement à Monteverdi), suivie d’un chœur de démons qui gardent l’entrée des Enfers. Les Ombres Heureuses viennent ensuite parler de ce « séjour paisible », et tout se terminera bien (contrairement à Monteverdi, là aussi).
Ce thème des Enfers, s’il est caractéristique de la mythologie païenne, peut se lire également comme un récit d’initiation (les Dieux voulant éprouver les sentiments du héros), et se rattache dès lors au monde du conte, à toutes ses histoires rêvées ou imaginaires qui feront le délice du siècle suivant.

Le XIXe siècle : l’exotisme

Lakmé, de Delibes
Les Pêcheurs de perles, de Bizet

À la mythologie antique se substitue, au XIXe, l’exotisme des peuples lointains. L’attrait pour l’autre, l’étrange, l’étranger, se cristallise sur ces histoires où des héros au nom exotique vont vivre des passions bien de chez nous. L’action des Pêcheurs de perles se passe à Ceylan, celle de Lakmé en Inde, mais cet ancrage physique n’est pas garant d’une vérité ethnographique, bien au contraire : il ne s’agit pas d’un documentaire, mais d’une histoire, d’un récit dont les parures exotiques font voyager dans l’imaginaire. Ainsi, avec des Invocations à Brahma ou Dourga, les deux opéras nous gratifient de scènes de genre : marché (Lakmé), crépuscule, voire danse sacrificielle (Les Pêcheurs).
Les deux opéras ne sacrifient pas au happy end : Lakmé meurt, et Zurga, s’il reste vivant (dans certaines versions), sacrifie son autorité et son amour pour le bonheur de Nadir et de Leïla. Mais dans les deux cas, tous les protagonistes auront évolué, et c’est leur passion qui va servir ici de moteur au changement, d’initiation. Nadir et Zurga se posent le même dilemme que Castor et Pollux,  à savoir choisir entre l’amitié et l’amour : ils aiment la même femme, et sont liés par des liens fraternels. Pour Lakmé et Gérald, leur passion est impossible dès le départ : on voit bien comment les unions de milieux sociaux, culturels, et ethniques différents, favorisées par la colonisation, sont toujours vouées à l’échec dans l’opéra jusqu’au XXe.
   
Coda

Noé, de Georges Bizet et Halévy

Quelques opéras du XIXe transposent l’exotisme lointain dans une dialectique plus proche de nous : les rapports entre les religions du Livre. Noé, est un opéra deux fois posthumes : Halévy, l’auteur de La Juive, le laisse à Bizet, qui lui même ne le terminera pas.


Programme prévisionnel :


Prologue

L’Orfeo
de Claudio Monteverdi

Ier acte : le mariage heureux
-« Vieni Imeneo »
-« Lasciate i monti »


Castor et Pollux
de Jean Philippe Rameau :

Ier acte : déploration
-« Que tout gémisse »
-« Que l’enfer applaudisse »
IIIe acte : les enfers
-« Brisons tous nos fers »
IVe acte : les Ombres Heureuses
-« Qu’il soit heureux comme nous »
-« Revenez, revenez »
Ve acte : les Constellations
-« Que le ciel, que la terre et l’onde »


Orphée et Eurydice
de Christoph Willibald Gluck :

Ier acte : déploration
-« Ah, dans ce bois tranquille »
IIe acte, 1er tableau : les enfers
-« Quel est l’audacieux »
IIe acte, 2e tableau : les Ombres heureuses
-« Viens dans ce séjour paisible »


Lakmé
de Léo Delibes :

Ier acte : invocation
-« A l’heure accoutumée »
IIe acte : le marché
-« Allons avant que midi sonne »
IIe acte, final : invocation
-« Ô Dourga »


Les Pêcheurs de perles
de Georges Bizet :

Ier acte : danse sacrée
-« Sur la grève en feu »
Ier acte : arrivée de Leïla et invocation :
-« Sois la bienvenue »
-« Brahma »
IIe acte : crépuscule
-« L ‘ombre descend des cieux »
IIIe acte : danse sacrificielle
-« Dès que le soleil »


Coda

Noé
de Georges Bizet et Halévy

IIIe acte, final : hymne à Dieu
-« Dieu clément »

Publié dans desenchantesdubocal

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